Contrer le cyberharcèlement au sein du couple — Partie 3
Cet article est le dernier d'une série de quatre blogs. Il s'agit du troisième blog traitant des contre-mesures.
Evaluer les risques
Toutes les personnes qui harcèlent ne sont pas identiques. Leurs motivations, leurs moyens et leur dangerosité varient. Certain·e·s cherchent à instiller la peur et l’anxiété, sans forcément passer à l’acte. D’autres veulent détruire la réputation ou les relations de leur cible. D’autres encore ont les moyens de déployer des tactiques plus complexes et insidieuses, sans entacher leur propre réputation. Face à cette diversité de profils, il est essentiel de bien évaluer votre situation pour déterminer les réponses les plus adaptées. C’est ce qu’on appelle l’évaluation des risques.
L’évaluation des risques permet de :
- Identifier les menaces auxquelles vous êtes confronté·e, aujourd’hui et demain.
- Mettre en place des mesures pour assurer votre sécurité et votre bien-être.
Le Stalking and Harassment Assessment and Risk Profile Tool (SHARP) est un outil en ligne gratuit qui vous aide à évaluer votre situation. Il comporte 48 questions et génère deux rapports détaillés :
- Un rapport sur l’impact du harcèlement sur votre vie.
- Un profil de risque structuré, avec des suggestions pour assurer votre sécurité.
Important : cet outil a été développé aux États-Unis. Certaines questions peuvent ne pas être adaptées à votre situation si vous vivez dans un autre pays. Le site web de SHARP propose d’autres ressources pour les victimes/survivant·e·s, notamment un modèle de journal pour documenter les incidents de harcèlement.
Si vous souhaitez mieux connaitre l’outil SHARP, veuillez consulter cette FAQ.
La recherche d’image inversée
Il est malheureusement fréquent que des personnes qui harcèlent publient des photos ou des vidéos de leurs victimes sur internet, sans leur consentement. Ces images peuvent se retrouver sur des sites web pornographiques, des forums de discussion, des réseaux sociaux… et être accompagnées de messages diffamatoires ou destinés à salir la réputation de la victime. Par exemple, on peut trouver des commentaires tels que « Elle est une [insulte sexiste/mot offensant] » ou « C’est une infidèle chronique ». L’objectif est de nuire à la réputation de la victime et de l’exposer à du harcèlement en ligne.
Il existe cependant un outil puissant pour vous aider à retrouver vos photos sur internet : la recherche d’image inversée. La recherche d’image inversée vous permet de rechercher sur internet où une image apparaît et de trouver des images similaires.
Sur cette page (Adresse de l’archive) vous trouverez plusieurs outils gratuits et payants, tels que Google Images, Bing Image Match, TinEye, Yandex Images et PimEyes. En utilisant plusieurs outils, vous augmentez vos chances de trouver toutes les occurrences de votre photo.
Ne téléversez pas d’images intimes : par mesure de sécurité, évitez de téléverser des photos à caractère intime sur les services de recherche d’image inversée. Privilégiez les images déjà publiées sur internet, comme vos photos de profil sur les réseaux sociaux. Soyez vigilant·e lorsque vous consultez les résultats : les résultats de recherche peuvent contenir des images intimes non consensuelles.
Si vous soupçonnez que de nombreuses images vous concernant ont été diffusées sur internet, par exemple suite au piratage de vos photos, les extensions de navigateur suivantes peuvent vous faire gagner du temps :
1. Fast Image Search (Google Chrome, Firefox): cette extension vous permet de lancer une recherche d’image inversée sur plusieurs moteurs de recherche à la fois, notamment Google, TinEye, Yandex (en trois langues), Baidu et Bing.
2. RevEye Reverse Image Search (Google Chrome): cette extension vous permet de rechercher des images sur Google, Bing, Yandex et TinEye. Elle vous permet également de personnaliser la liste des moteurs de recherche en ajoutant d’autres services. Attention : l’extension pour Firefox n’est plus mise à jour depuis 2022 et n’est donc pas recommandée pour le moment.
Supprimer les images indésirables
Si vous découvrez que des photos ou des vidéos vous concernant circulent sur internet sans votre accord, vous pouvez demander leur suppression. La suppression d’une image d’un site web est un processus complexe. Plusieurs facteurs entrent en jeu, notamment la nature de l’image, les règles du site web, les lois en vigueur dans le pays concerné, etc.
Sur quels motifs pouvez-vous appuyer votre demande ?
- Atteinte à la vie privée : c’est le motif le plus courant pour les images intimes non consensuelles.
- Violation du droit d’auteur : si vous êtes l’auteur·e de la photo (par exemple, un selfie), vous pouvez invoquer la violation du droit d’auteur. Si la photo a été prise par un·e ami·e, c’est cette personne qui est titulaire du droit d’auteur et qui peut demander la suppression de l’image.
- Contenu abusif ou illégal : si l’image est diffamatoire, abusive, vulgaire, harcelante, etc., vous pouvez demander sa suppression sur ce motif.
- Droit à l’oubli : dans les pays où ce droit existe, vous pouvez l’invoquer pour demander la suppression de l’image.
Que faire si le site web refuse de supprimer l’image ?
Si le site web refuse de supprimer l’image, vous pouvez contacter les moteurs de recherche pour demander que l’image soit retirée des résultats de recherche. Cela limitera sa visibilité et rendra plus difficile de la trouver. Ce formulaire en ligne permet de signaler des problèmes de sécurité au moteur de recherche Bing et à d’autres produits Microsoft. Google Search a également des politiques et un processus à suivre pour demander la suppression de contenu personnel. Pour plus d’informations sur les demandes de suppression sur différentes plateformes, consultez le guide Supprimer du contenu sensible d’Internet.
Les personnes qui harcèlent peuvent utiliser la recherche d’image inversée pour trouver d’autres images ou des informations sur vous. Soyez attentif·ve aux informations affichées dans les résultats de recherche et demandez leur suppression si nécessaire. Il est important de garder à l’esprit que les démarches de suppression d’images peuvent être longues et complexes. Les sites web et les plateformes sont parfois lents à répondre, voire ne répondent pas du tout. Il est donc essentiel de conserver des copies de toutes vos communications.
Conclusion
Cette série d’articles a exploré les méthodes utilisées par les personnes qui harcèlent et proposé des pistes pour s’en protéger. Mais il est fondamental de rappeler que les victimes ne devraient jamais être seules face à cette violence. Les mesures de protection et les précautions techniques présentées ici sont importantes, mais elles ne suffisent pas toujours face à un harcèlement grave et persistant. Les personnes victimes ou survivantes ont besoin d’un soutien et de ressources adéquats et rapides dans les domaines juridique, psychologique, technique et sécuritaire. La lutte contre le cyberharcèlement est un effort collectif. La société, les forces de l’ordre et les systèmes de soutien doivent travailler ensemble pour créer un environnement sûr pour les victimes et leur apporter un soutien complet.
Rohini Lakshané est chercheuse interdisciplinaire, technologue et wikimédienne. https://about.me/rohini
Illustration de Laura Ibáñez López, https://cargocollective.com/pakitalouter
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