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Tshegofatso Senne


Image extraite de la vidéo sur la cyberviolence basée sur le genre de WOUGNET.

Cet article fait partie d’une série de billets destinés à raconter les expériences vécues entourant divers projets rendus possibles grâce aux subventions de All Women Count-Take Back the Tech! (AWC-TBTT). WOUGNET a pu financer son projet grâce à une subvention accordée en 2020.

WOUGNET est une organisation ougandaise qui défend les droits des femmes en ligne depuis des années. Ce réseau analyse les politiques des technologies de l’information et de la communication (TIC), étudie ces politiques sous le prisme du genre, offre des formations, partage des informations relatives à la sécurité numérique et produit des notes d’orientation. Leur travail couvre également les technologies des médias intelligents, utilisés pour donner les moyens aux jeunes filles et aux femmes de prendre conscience de la cyberviolence basée sur le genre et de connaitre les façons d’y faire face. Grâce au projet « Toutes les femmes comptent : Réapproprie-toi la technologie ! » du Programme des droits des femmes de l’Association pour le progrès des communications, ce travail a pu s’étendre et aller au-delà des résultats attendus. 
La personne responsable du projet, Peace Oliver Amuge, s’est exprimée sur l’occasion offerte par ce projet :

« Ce projet était parfaitement conforme à la mission et la vision de WOUGNET, car nous prévoyions de donner aux femmes et aux jeunes filles les moyens d’être à l’avant-garde de la lutte contre la cyberviolence basée sur le genre. Notre vision est celle d’une société où les femmes sont rendues autonomes grâce à l’utilisation des TIC. Le plaidoyer pour les politiques en matière de genre et de TIC est l’un des programmes centraux de notre organisation. Avec la pandémie de COVID-19 et l’utilisation croissante de la technologie, nous avons assisté à augmentation croissante de la cyberviolence basée sur le genre et avec ce projet, WOUGNET a pu fournir une compréhension contextuelle et approfondie de la cyberviolence genrée, des défis actuels, des lois et des politiques existantes, où signaler les cas de cyberviolence, des conseils en sécurité en ligne et des recommandations clés pour les victimes. »

Leur projet intitulé « Campagnes médiatiques pour les droits des femmes en ligne en Ouganda » (WROMC) a permis d’estimer que plus de deux millions de personnes en Ouganda savent ce qu’est la cyberviolence genrée, comment elle se produit et quelles mesures prendre si l’on en est victime. Il a également pu révéler que le public est confiant lorsqu’il s’agit de signaler ces questions à la police et aux autorités compétentes, car il connait les lois. Avec WROMC, WOUGNET a travaillé à élargir son champ d’action en travaillant davantage la sensibilisation et en vulgarisant des ripostes simples à la cyberviolence genrée. Elles ont fait participer plus de 50 défenseures spécialistes dans différents domaines en lien avec la promotion des droits numériques des femmes.

Voici les trois points principaux du projet WROMC :

  • Utilisation des cartes du jeu de rôle Réapproprie-toi la technologie ! et d’autres ressources pertinentes pour créer des documents audio, des vidéos et des graphismes animés féministes pour sensibiliser et vulgariser des actions simples permettant de lutter contre la cyberviolence basée sur le genre.

  • Renforcer la capacité des femmes militantes et des internautes à réagir et à réduire la cyberviolence basée sur le genre, et fournir un espace sûr aux femmes afin qu’elles puissent parler des rencontres négatives qu’elles ont eues en ligne.

  • Militer à niveau politique pour obliger les forces de l’ordre à réagir et à lutter contre la cyberviolence basée sur le genre en Ouganda.


WOUGNET utilise toutes sortes de technologies pour transmettre ses messages au public. Le réseau a fait participer des femmes activistes et militantes dans un chat sur Twitter, organisé une conférence virtuelle et participé à divers événements et ateliers impliquant des responsables politiques, des défenseures des droits numériques, et des jeunes filles et femmes ordinaires sur le sujet. Les responsables politiques ont également été appelées à promulguer des cyberlois complètes pour la protection et le respect des droits des femmes. La population dans son ensemble a été fortement encouragée à toujours agir et à signaler les faits immédiatement en cas de cyberviolence. Le projet WROMC en Ouganda a permis à WOUGNET d’être en première ligne pour répondre et traiter les cas de cyberviolence genrée qui ont été enregistrés pendant la période de pandémie de COVID-19 en communiquant des informations à des millions de personnes.

Pour ce projet, le réseau a décidé de communiquer en ayant recours à la radio en raison de la pandémie de COVID-19. Peace s’est rendu compte qu’une part importante du public habituel du réseau était hors ligne parce que ces personnes s’étaient retrouvées sans emploi, à la fois parce qu’elles se connectaient à internet de leur travail, mais également parce que sans revenu, elles ne pouvaient plus payer leur accès à internet. Leurs publics ne pouvaient pas non plus s’installer dans un cybercafé pour cause de confinement et ne pouvaient pas non plus emprunter le téléphone de quelqu’un d’autre. 

Dans les endroits où les spots radio de WOUGNET ont été diffusés, les commentaires du public venaient de personnes qui se sont retrouvées dans les expériences entendues, mais qui n’avaient pas réalisé qu’il s’agissait de cyberviolence sexiste. Au total, 408 spots radio ont été diffusés, touchant plus de 2 millions de personnes. Cela leur a permis de communiquer et faire comprendre la perspective genrée de la cyberviolence, l'impact qu’elle a sur les défenseures des droits des femmes, en particulier en termes de vie privée, de droit d’accès à l’information et de liberté d’expression. 

L’équipe a réagi ainsi aux réponses de la communauté :

« On sentait de la ferveur et de l’enthousiasme chez celles qui ont vu, partagé et fait part de leur appréciation directe des qualités techniques et des messages inclus dans cette ressource par nos réseaux. Notre livre d’illustrations est un excellent outil de sensibilisation qui peut être consulté et utilisé par n’importe qui, partout dans le monde. Nous sommes fières de souligner que le projet a conduit à la production d’un contenu local visant à sensibiliser à la cyberviolence genrée, premier du nom en Ouganda, largement accepté localement, et dont le rayonnement est international. Le contenu local était une excellente idée, car il nous a permis d’atteindre les communautés rurales au sens large avec des messages clés sur ce qu’implique la cyberviolence basée sur le genre, et ce, en utilisant un langage qui leur parle. »

Illustration of black woman logging into her laptop. She "finds a nasty surprise, full of hateful words". On her screen, there are hateful remarks and online GBV.
Image du Livre illustré sur la cyberviolence basée sur le genre de WOUGNET.

Ce projet a accumulé des statistiques impressionnantes !

  • Leur diffusion audio féministe sur Capital FM a touché environ 1,9 million d’Ougandais·e·s quotidiennement. 

  • WOUGNET a touché en moyenne 11 000 auditeur·rice·s à qui elle a transmis des messages féministes dans une langue locale dominante en Ouganda sur Radio Apac FM

  • La campagne sur les réseaux sociaux à elle seule a touché 358 500 personnes sur Twitter, Facebook et Instagram. Il s’agit d’une grande réussite, car cela nous montre le niveau d’enthousiasme qu’il existe sur le sujet lorsque l’on parle de cyberviolence genrée et de la nécessité d’actions immédiates pour la combattre.

  • Les graphismes et la vidéo animée qu’elles ont créées ont touché plus de 11 000 personnes sur Twitter et Facebook qui interagissent quotidiennement avec le réseau.

  • La conversation #StopOnlineGBVUG/ #AskForConsent sur Twitter avec diverses responsables, défenseures des droits humains et organisatrices a touché 17 millions de personnes, avec 335 000 interactions et 239 mentions.


Les chiffres sont impressionnants, mais l’impact de ce projet va bien au-delà. WOUGNET est entré en contact avec des organisations qui se sont engagées à œuvrer pour un changement positif, pour des cyberespaces sûrs pour les femmes, à savoir Digital Human Rights Lab, Unwanted Witness, Her Empire (Not Your Body) et Barefoot law, entre autres.

Ce projet de WOUGNET est l’un de ceux qui ont connu la plus forte réussite au fil des ans. Autre changement important qu’il faut souligner ici : la police ougandaise, les régulateurs comme la Commission ougandaise de communication, les militantes des droits des femmes, les formateur·rice·s en sécurité numérique, les analystes politiques, les avocat·e·s, les organisations féministes et de femmes qui se sont impliqué·e·s avec WOUGNET en Ouganda ont tou·te·s exprimé une forte volonté de riposter et de lutter contre les cyberviolences genrées. Nous continuerons de faire participer ces organisations pour veiller à ce que cette nouvelle forme de violence basée sur le genre soit intégrée à leurs programmes par le biais des différentes initiatives qu’ils mettront en place et qui mèneront à l’augmentation des niveaux de connaissance ou de sensibilisation à la violence, à l’amélioration de l’expérience en ligne des femmes et à la capacité de faire bouger les choses à niveau social et politique dans le bon sens en matière d’accès à l’information chez les femmes et les filles en Ouganda.

Peace s’est exprimée sur une partie du travail de l’équipe :

« Lorsque nous avons organisé un webinaire (en direct sur Facebook et YouTube) dans lequel une personne représentant la police, une chercheuse, une représentante de la société civile et une autre en représentation de la justice ont partagé leurs points de vue, les gens avaient beaucoup de questions pour la police et la justice. Nous pensons que c’est parce que la police a une autre vision de la cybercriminalité et qu’elle ne considère pas les cyberviolences genrées comme un type de violence grave. Il nous faut sensibiliser davantage la police. »


Une femme nous a raconté à quel point elle avait apprécié le travail effectué par WOUGNET et ses collaboratrices, soulignant à quel point cela lui a ouvert les yeux. Elle nous a dit qu’elle avait toujours trouvé internet dangereux, car dominé essentiellement par les hommes. Elle a expliqué pourquoi internet est un reflet de notre société, qui incite les garçons et les hommes à considérer les femmes comme inférieures et à les maltraiter en ligne. L’équipe de WOUGNET croit fermement que ce travail a la capacité de changer les vies, les mentalités et les attitudes de la société. 

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